J ai testé pour vous …
– le train de banlieue
Ce n est pas toujours évident de prendre le RER à Paris. Quand une seule ligne traverse une gare, il suffit de se concentrer sur la direction à prendre. Un peu plus compliqué gare du Nord, ou aux Halles, avec les interconnections. Alors c était pour moi tout un défi de prendre un train de banlieue à Mumbai. Je voulais me rendre dans le Nord de la ville pour visiter le Parc National Sanjay Gandhi et les grottes de Kanheri.
La tâche était quand même facilitée par le fait que la gare de Church Gate, ou je devais prendre ce train, est un terminus, et je ne pouvais donc pas me tromper de direction. J avais la veille tenté de faire une reconnaissance, tout du moins d acheter mon billet, et de chercher les horaires , j étais revenu completement bredouille, ce genre de billets n étant vendu que pour le jour d utilisation; quant aux horaires, pas de fiches , certes des affichages, mais en hindi … Aie.

Jour J, je me pointe vers 9h à la gare. Je vais à contre-courant, le flux des banlieusards venant travailler en ville est impressionnant, et je ne fais que les croiser. Pas plus mal. Première épreuve au guichet, pour acheter mon billet. Pas question de laisser plus de 15 cm entre vous et la personne qui vous précède, sans quoi les impatients s engouffrent et vous devrez patienter encore un peu plus. J obtiens presque sans souci mon billet aller-retour pour Borivali, pour la somme astronomique de 18 roupies aller-retour ( c est à une quarantaine de km), et me rend vers les quais pour prendre le train.
Quel train prendre ?? des panneaux lumineux sont bien présents, mais la destination est un code à une voire deux lettres, et la liste des arrêts en est hindi. Re-Aie … Finalement, j attire l attention d un garde en uniforme (armée ? agent de sécurité ? uniforme de la compagnie ferroviaire ? aucune idée !) et il m indique un quai. Comme je le disais, pas de danger de prendre une fausse direction, je dois juste m assurer que le train s arrêtera à ma gare.
Finalement, je me rend rapidement compte que le train que j ai pris s arrête dans TOUTES les gares. En fait, sur les panneaux d affichage, deux modes possibles : F pour fast, S pour slow. Je ferai attention au retour de prendre un rapide.
Surprise dans le train, je commence par me planter de wagons, je monte dans le premier, car le train est sur le point de partir, mais celui ci est … réservé aux femmes. Pas si désagréable … Peut être puis je me fondre incognito au milieu de ces belles indiennes (elles ont vraiment du charme, je ne sais pas si ça tient à leur sourire quasi permanent, aux couleurs de leur sari, ou à autre chose, mais je dois avouer un petit faible pour elles). Mais je n ai pas le temps de laisser mon esprit divaguer que je suis abordé par une aimable et charmante indienne qui me signale la règle, auquelle je dois me plier, tout Fanou que je suis 😀 . J ai juste le temps d attraper le wagon suivant avant que le train ne démarre.
Mais pas de souci ici avec la fermeture des portes … elles restent, et resteront ouvertes , à l arrêt ou en mouvement. C est d ailleurs la même chose dans tous les wagons, de tous les trains. ca facilite les entrées-sorties, permet d aérer les wagons non climatisés, et puis c est un bon moyen de gérer le surplus quasi permanent de voyageurs dans ces wagons bondés à craquer. Attention toutefois aux poteaux, et aux trains qui se croisent. Là encore, pas de psychose, il faut simplement faire attention.

A chaque arrêt, des flots de passagers sortent et entrent des wagons, parfois dans la bousculade, mais sans jamais la moindre agressivité, sans la moindre altercation. Dans le calme. Des vendeurs ambulants, qui proposent des piles, des serviettes.
Finalement, je vais arriver sans encombre à destination, Borivali, ou je vais sauter dans un rickshaw pour me rendre au parc national. Le retour vers Mumbai en fin d après midi se fera dans la plus grande décontraction, satisfait d avoir passé le test de l aller avec succès. J ai choisi pour le retour un train rapide, et j ai passé mon temps à discuter avec mes voisins, tous plus curieux les uns que les autres de mes origines, des raisons de mon séjour en Inde, etc. Ils sont vraiment sympas les Indiens.
– les taxis et rickshaws
En arrivant à l aéroport de Mumbai, mon premier contact avec le pays (après la garde armée) fut avec le chauffeur de taxi qui me conduisait au centre ville. Il ne parlait pas deux mots d anglais, je n en parlais pas un seul en hindi, et j au quand même passé près de deux heures avec lui… D ailleurs, quand vous prenez un taxi, il ne suffit pas de demander au chauffeur s il parle anglais, ils répondent tous OUI… Mais à la deuxième question, vous vous rendez vite compte qu il parle autant anglais que moi russe ou samoan.

Les taxis sont ici aussi vieux et inconfortables que ceux du Caire. Pire, ils sont plus petits encore !! Alors pour mon gabarit, ce n est pas une synecure, que de prendre le taxi. Même combat pour les rickshaw, l équivalent local des tuk-tuk thailandais. Interdits en centre-ville, je n en ai vu que lorsque je me suis éloigné, à Borivali. Là encore, il faut être plié en deux, et on ne voit strictement rien. Trés maniable, ils se faufilent dans la circulation et pas une seule collision à déplorer, cela tient vraiment du miracle…
Dans le centre ville, Mumbai ressemble avec ses milliers de taxis noirs et jaunes à un nid d abeille. Cela fourmille de partout. Il n est pas rare d en voir le capot ouvert, et la mécanique est des plus rudimentaires. Si l on appliquait un quelconque contrôle technique à ces véhicules, 97% seraient interdits de circulation en France. Les quelques accessoires (genre essuie glaces, ceintures, retroviseurs, clignotants, feux de croisement, etc), quand ils sont encore là, ne fonctionnent plus, mais qu importe. l accessoire indispensable ici, c est … le KLAXON.
De ce côté là, la ville pourtant bruyante du Caire pourrait passer pour un coin de campagne. Ca n arrete pas. Ca n arrete pas. Les visages restent impassibles, quoiqu il arrive, mais le doigt presse rageusement et quasi constamment le klaxon. Pour une raison ou pour une autre. Parfois sans raison apparente . C est d ailleurs écrit à l arriere de tous les véhicules ou presque : « Please Horn » !! Des panneaux d affichage officiels incitent à la limitation , à l interdiction parfois, mais cela revient à pisser dans un violon 😀 Il faut s y faire, tout simplement…

Le compteur des taxis ici est une curiosité. Installé à l extérieur , du côté passager. S il fonctionne (ce n est pas si commun, vu l age ancestral de ces voitures, et donc de ces compteurs), il faudra alors utiliser un facteur multiplicateur (13 ou 14 environ en ce moment) pour connaitre le montant de la course.
Une dernière anectdote : beaucoup de véhicules sont équipés d un petit collier de piments empilés comme une broche et suspendus au niveau du pare-choc avant ou arrière, un gri-gri porte-bonheur …
– la santé avant tout …
Imaginez-vous en train de prendre tranquillement votre petit-déjeuner à l intérieur d un restau. (J ai pris mes habitudes dans une petite cafet’ du quartier, ni trop calme ni trop bruyant, avec une cuisine locale à mon goût). Un matin, énorme vacarme à l extérieur, ça ressemble à une tronçonneuse, et le bruit déjà assourdissant ne cesse de s amplifier.
Et tout d un coup, un mec se pointe à l entrée du restau, pointe son canon vers nous, et pulvérise bruyamment une fumée dense dans le local. Je regarde autour de moi, personne ne bronche… Pas de panique, les gens ont l air habitué et vaquent à leurs (in)occupations.

Tout de même, l atmosphère est vite irrespirable, cette fumée enveloppe tout, recouvre et se dépose sur les aliments, au delà de ce que j ingère en respirant. Pourtant, personne ne bouge ! Mais au bout de deux minutes, alors que les ventilateurs tentent vainement d évacuer cette fumée, je me lève et sors pour respirer dans la rue, ce qu il est pratiquement impossible de faire à l intérieur, alors que d autres clients finissent par porter un mouchoir à leur bouche, incommodé par l apre fumée.
Dans la rue, cette même fumée s échappe de quasiment tous les magasins, ou restaurants, entrées d immeubles, et un peu plus loin, le préposé continue son travail, sans le moindre casque malgré le bruit assourdissant. Je discute alors avec un serveur du restau qui m apprend qu il s agit d un traitement appliqué tous les 3 mois environ, censé détruire les moustiques. Quand je lui ai demandé si c etait efficace, il m a répondu par un grand éclast de rire.
Il aura fallu presque 10 min pour que la fumée s évacue finalement du restau, et j ai retrouvé mon petit dej, pas encore froid, que j ai englouti avec le même appétit 🙂
– les temples
Je me suis rendu dans l un des plus beaux temples de Mumbai, le temple Jain, dans les environs de Malabar Hills. C est un temple de marbre blanc, avec une entrée flanquée de deux statues d éléphants. Le jainisme n est que l une des nombreuses religions du pays, il compte environ 5 millions d adeptes (si peu par rapport aux 700 ou 800 millions d hindou, ou les 20 millions de sikhs).

Pieds nus, je suis timidement entré dans l enceinte du temple, et j ai observé les membres de la communauté dans leurs rituels et prières. Des idoles , des saints, des dieux, des représentations d épisodes historiques , le temple est magnifiquement décoré, mais c est par les rituels des prières que j ai été le plus absorbé.
Absorbé, comme l étaient tous les jains, dans leurs chants, offrandes, gestuelles, circuits autour des autels et autour du temple. Certains dessinaient des formes géométriques sur le sol, à l aide de grains de riz. D autres tamponnaient d une concoction inconnue certains points bien spécifiques des statuettes de marbre (genoux, pieds, épaules, front), avec une chronologie, une séquence bien précise. Le tout dans des incantations douces et inaudibles, et parfois rythmé par le tintement soudain de cloches.

A l extérieur, un groupe de femmes, assis en cercle, en discussion. Autour des autels, des disciples en pleine méditation. J avoue n y avoir rien compris, mais le tout était apaisant, élégant. Pas étonnant que des milliers d’occidentaux trouvent dans ces coutumes, superstitions, croyances, une certaine attraction et grossissent les rangs des « neo-convertis ».
Cela donne en tout cas envie de se plonger un peu plus dans ces croyances, dans leur origine, et leurs concepts, leurs principes fondamentaux pour tenter de comprendre un minimum ce qui guide ces gens dans ces rituels, ce qu ils recherchent et ce qu ils peuvent y trouver.
– les bidonvilles
Au pied des immeubles luxueux, résidentiels ou bureaux, subsistent des zones insalubres, qui grouillent d une population jeune, sale, et sans ressources. Les bidonvilles sont ici une réalité alarmante, et le reflet d une société qui, comme beaucoup d autres sociétés en développement, a du mal à uniformiser, généraliser l enrichissement général, le progrès qu elle connait. Le contraste est flagrant et saisissant. D un côté de la rue, des immeubles récents, sièges de banques, ou organismes de crédits, des cadres en cravate, téléphone portable rivé à l oreille. De l autre côté, la misère médiévale, les enfants sales, en haillons, sans chaussures, et derrière eux, ces bidonvilles (slumdog), acculés en front de mer, qu ils utilisent ici comme ailleurs comme dépotoir et lattrines.

J ai pénétré dans plusieurs d entre eux. A chaque fois, le même environnement. Des « ruelles » tellement étroites qu il est parfois impossible de se croiser, des détritus partout, des habitations qui ne tiennent que par des bouts de ciments, de bois, de cordes, des familles entassées les unes sur les autres, les uns dormant, les autres grignotant ce qu ils ont ramassé, les autres travaillant à je ne sais quelle tâche ingrate, d autres se lavant dans une eau saumâtre, le tout dans le même espace.
Des dizaines de chiens errants (c est d eux que j avais le plus peur), et le sourire de ceux que je croisais. Quand je m arrêtais, j étais rapidement entouré d un groupe de gamins, puis de femmes, puis d hommes, qui, curieux et amicaux, me dévisageaient, tentaient de me parler quand ils parlaient un peu anglais. Sans cesse, ils me proposaient de les prendre en photos, ou me proposaient de me conduire ou au port, ou au marché, ou au magasin le plus proche quand je leur demandais mon chemin. Certains finissaient par tendre la main et mendier, mais ce ne fut jamais un réflexe de leur part.
Ces zones de bidonvilles dans lesquelles vivent des millions de personnes sont la proie des promoteurs immobiliers qui les transforment en lucratifs champs d immeubles. Le devenir de ces gens ? tout le monde, ou presque, s en fout, ils se débrouilleront bien, n est ce pas ?